Désirs Décalés - Interview avec Sophie Greene

Photo by Marek Piwnicki on Unsplash

#JOUR18, ça peut commencer à faire long pour certains couples. Surtout quand tout le monde est à la maison et que les libidos ne sont pas embrayées à la même vitesse au sein du couple. Alors, comment on gère les différences d’entrain avec son partenaire en cette période de confinement? Pour avoir des réponses, l’équipe du Green Condom Club se tourne aujourd’hui vers Sophie Greene, praticienne en psychothérapie, sexologue et thérapeute conjugale à Orléans; vous pouvez aussi la retrouver sur le web, ou sur sa page Facebook pour en savoir davantage!

GCC: Le confinement peut-il créer des écarts de désir au sein du couple?

SG: La sexualité qui parfois est laissée de côté, oubliée ou malmenée va possiblement être remise sur le devant de la scène durant ce confinement.

Pourquoi cela? Parce que nous avons du temps pour nous poser les questions au sujet de ce qui fonctionne et de ce qui ne fonctionne pas dans notre couple. Lorsqu'il y a conflit conjugal, bien souvent la sexualité entre en jeu.

Parfois elle est même le déclencheur du conflit, qui va alors s'étendre à tout un tas d'autres sujets. Parfois, elle n'est que le symptôme d'autres problèmes conjugaux.

Cause ou conséquence, il n'en reste pas moins que le sujet des envies et du timing va être soulevé! Eh non, rares sont les couples qui ont les mêmes envies sexuelles en termes de fréquence, de pratiques et de moments!

Comme le rappelle Yvon Dallaire, la sexualité fait partie des 6 problèmes insolubles auxquels sont confrontés les couples (avec les enfants, le travail, les tâches ménagères, les belles-familles et l'argent).

Que le confinement crée quelques tensions à ce sujet est donc COMPRÉHENSIBLE!

La fatigue étant probablement moins présente, elle ne pourra plus être utilisée comme « excuse » venant justifier le manque de libido. Mais trop de proximité tue le désir, il sera donc aisé pour certain(e)s d'en référer à la routine, au stress du confinement et du virus, aux tensions annexes, aux enfants à gérer... pour dire NON au rapport sexuel.

Il n'en reste pas moins que la proximité TUE véritablement le désir et la libido. Le désir rappelons-le, se nourrit du manque et lorsqu'on est h24 avec l'autre (sur l'autre!), difficile pour certain(e)s de se reconnecter à leur désir. D'autres ne verront aucune différence et peut-être même se réjouiront de cette proximité qui permet de faire l'amour plus souvent.

GCC: Alors, comment concilier des envies différentes?

SG: Il n'y a pas de recette miracle et les couples qui venaient me voir (avant le 17 mars!) pour baisse ou absence de libido posaient la même question: comment concilier des envies différentes?

Il ne sera jamais question de se forcer à avoir envie (bien que l'on puisse aider le désir à revenir en créant un contexte en soi et avec l'autre propice à sa construction!) ou de se forcer à n'avoir pas envie.

À partir de ce constat, une première chose. Il est possible de se faire plaisir à soi sans «réquisitionner» la présence de l'autre via la masturbation.

Évidemment dans un contexte de confinement, il est plus difficile d'aménager des temps perso pour ce genre d'activité ou de trouver le lieu adéquat dans lequel on ne sera pas dérangé(e). Mais ici, la créativité et l'imagination pourront remédier à ces problématiques j'en suis certaine.

Une deuxième chose: bien souvent les envies qui diffèrent sont le résultat d'approches sexuelles qui ne conviennent pas au partenaire et viennent éteindre tout désir (même lorsque l'étincelle n'est qu'une minuscule braise à attiser).

Le plus fréquemment, la question se pose quand l’homme est en demande de sexualité et la femme en a moins envie mais ces schémas peuvent évidemment être inversés.

Dans les relations homosexuelles, il en va de même, l'un des partenaires a parfois moins envie que l'autre.

Les femmes répètent (ou n'osent pas en parler, et c'est bien dommage!) qu'elles apprécient des approches en douceur pour inviter à la sexualité.

Douceur ne signifie pas qu'elles sont de pauvres petites choses fragiles mais bien qu'elles souhaitent souvent prendre leur temps et que leur partenaire les approche de manière indirecte.

Sensualité est ici le maître mot.

Pourquoi ne pas débuter un possible rapport sexuel par des caresses sensuelles, des massages érotiques et qui ne visent pas automatiquement à entrer dans la sexualité?

Prendre son temps et explorer le corps de l'autre comme si c'était la première fois en quelque sorte. 

Trop souvent l'un est direct et entame immédiatement des caresses génitales tandis que l'autre souhaiterait d'abord être touché(e) et caressé(e) sur le reste du corps. 

Préparer son corps à l'amour en organisant le rapport sexuel à venir est une autre façon de faire monter le désir et d'augmenter sa libido. Certains se récrieront qu'un rapport sexuel doit être spontané et que toute préparation vient entraver le désir mais ces mêmes personnes n'auront aucun mal à prévoir une séance de cinéma et à regarder les bandes-annonces en prévision de leur choix! Le cinéma étant désormais proscrit en cette période de confinement, pourquoi ne pas prévoir et préparer en conséquence un rapprochement sexuel?

Prendre un bain ou une douche avant pour se sentir frais, propre et délassé, augmenter un peu la température de la pièce, y installer des couvertures douces, ou mettre une musique d'ambiance calme ou stimulante... Je suis sûre que tout un chacun peut avoir un minimum d'imagination pour créer un contexte propice à la montée du désir! 

Dans ces conditions, l'envie de l'un peut aller à la rencontre de l'envie de l'autre même si les deux ne partagent pas les mêmes (fréquence, timing, pratiques). 

Choyer et enrichir ses fantasmes, voici une autre piste à explorer pour maintenir la libido à flot durant ce confinement! 

Cela signifie, (re)lire des ouvrages qui nous excitent et nous stimulent, sortir de leurs cartons nos anciennes BD ou mangas érotiques, aller à la pêche aux images et films qui éveillent les sens (et Internet en est rempli!). 

En discuter (ou non) avec l'autre peut permettre un échange amusant et stimulant mais attention malgré tout: si vous ne vous sentez pas prêt(e) à entendre ce que l'autre a à dire au sujet de ses fantasmes, ne posez pas la question! 

Vous risquez de vous faire mal et d'abîmer votre couple. Une autre règle d'or valable en confinement à ce propos: on ne demande à l'autre que ce que l'on est prêt à recevoir comme réponse! 

Enfin, rappelons-nous qu'avoir des envies décalées est le lot de la plupart des couples, que ce n'est ni grave ni anormal (qu'est-ce-que la normalité dans la sexualité?) et qu'en dehors de la sexualité, il existe bien d'autres manières de prendre soin de son couple et de le nourrir! Tout miser sur la sexualité durant le confinement serait dommageable car certaines pratiques seront automatiquement déstabilisées.


Vous l’aurez compris, faites preuve de patience, de tolérance, et d’amour, non seulement envers vous-même, mais votre partenaire. Rien ne vaut une communication claire, et non-émotionellement chargée pour discuter des différends.

Un grand merci Sophie pour ces réponses détaillées et bienveillantes. On se retrouvera au courant de la semaine prochaine pour des réponses à d’autres questions de couples confinés! ♥


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