La virginité n'est-elle en fait qu'un mythe?

En septembre 2020, tandis que l'État français annonce l'interdiction des "certificats de virginité" délivrés par certains médecins, l'OMS alerte sur cette pratique humiliante illustrant combien les femmes sont encore et toujours victimes de discrimination. 

De simples faits divers pour certains, une occasion de relancer la discussion sur la virginité pour d'autres.

 Contrairement à ce que l'on peut penser, la virginité n'est en aucun cas un terme médical. Que représente-t-elle donc vraiment? Quelle valeur a-t-elle dans notre société? Peut-on vraiment déceler une personne vierge?

La virginité, c'est quoi?

La virginité est l'état d'une personne qui n'a jamais eu de rapports sexuels. Au figuré, c'est un symbole de pureté, d'honneur et d'innocence.

Puisqu'elle ne renvoie pas à une condition médicale, la définition de la virginité varie selon les époques, les cultures, et les religions. Elle est intimement liée à la perception d'un rapport sexuel: est-ce qu'un baiser compte? La masturbation? Ou bien encore les attouchements, les frottements, le sexe oral, le sexe anal, l'utilisation de sex toys… 

En fait, il n'existe aucun consensus sur la réelle définition d'un rapport sexuel. Pour certains, la virginité réfère à une absence de toute relation sexuelle, pour d'autres, l'absence de pénétration vaginale, puisque la virginité est souvent basée sur l'hymen comme critère de virginité. 

Une enquête réalisée en 2010 par le Kinsey Institute confirme bien ces variances. Sur 484 personnes interrogées: 

  • 95% considèrent un rapport pénis/vagin comme un rapport sexuel

  • 80% considèrent un rapport pénis/anus comme un rapport sexuel

  • 70% considèrent le sexe oral comme un rapport sexuel

  • 11% ne considèrent pas un rapport sans éjaculation comme un "vrai" rapport sexuel.

Pour toutes ces raisons, la conception de la virginité est bien souvent critiquée, puisqu'elle promeut une vision hétéronormative de la sexualité, laissant de côté tout ce qui ne s'y conforme pas.

Pour dissiper les mythes récalcitrants, l'OMS insiste sur le fait que la virginité n'est en rien un terme médical, mais plutôt une construction sociale, culturelle et religieuse. Bien qu'elle soit censée s'appliquer aux deux sexes, en pratique, la virginité est plutôt féminine. En effet, certaines cultures et religions donnent une importance particulière à l'abstinence sexuelle, généralement jusqu'au mariage. 

Toutefois, en Occident, la virginité a perdu de sa valeur d'antan puisque la sexualité est plus déconnectée de la vie conjugale. Depuis 1960, l'âge du premier rapport est passé de 20 ans et demi (pour les femmes) et de 18 ans et demi (pour les hommes) à environ 17 ans.

Au sein des milieux religieux, c'est un peu le contraire. Un quart des catholiques et deux tiers des musulmans français interrogés affirment qu'il est impératif pour une femme d'être vierge avant le mariage. 

L'idéal de la virginité

L'hymen, symbole de virginité absolu

Chez les hommes, la virginité est impossible à détecter. Chez les femmes, on nous apprend que l'hymen (une membrane à l'entrée du vagin) se rompt, saigne et disparaît durant le premier rapport sexuel avec pénétration. C'est ainsi qu'une femme est supposée "perdre sa virginité". 

La croyance populaire est de penser que si une femme ne saigne pas, c'est qu'elle n'est pas vierge. C'est faux: 40% des femmes ne saignent pas durant leur premier rapport sexuel, et cela s'explique par le fait que l'hymen est une sorte de "chouchou" élastique dont la forme varie selon les femmes.

De nombreuses campagnes tentent de dissiper ces mythes nuisibles entourant la sexualité féminine. L'historienne féministe Yvonne Knibiehler, pionnière de l'histoire des femmes, y consacre même un livre: La Virginité féminine: Mythes, fantasmes, émancipation

Virginité: un outil de contrôle de la sexualité féminine

Médicalement, il n'y a pas de définition de la virginité. Elle fait seulement sens en fonction des normes d'une certaine culture ou religion. Au-delà de l'anatomie, la question de la virginité est liée au contexte social, culturel et religieux, puisqu'elle détermine la valeur d'une femme dans la société. 

Par peur du rejet et du déshonneur au sein de leur communauté, certaines femmes ont recours à l'hyménoplastie, une opération chirurgicale consistant à recouvrir l'hymen, ou encore à un hymen artificiel, une poche contenant un liquide rouge à placer dans le vagin avant un rapport, pour feindre la virginité. 

 

Le phénomène de la "virginité tardive"

Bien qu'en Occident la sexualité soit omniprésente dans les médias et la culture populaire, terriblement facile d'accès aux jeunes, il semblerait que cela n'influence pas forcément l'âge du premier rapport sexuel comme on pourrait l'imaginer. 

Une étude démontre que les millenials passent à l'action plus tard que la génération de leurs parents. Sur 16 000 individus nés entre 1989 et 1990, 1 personne sur 8 était encore vierge à 26 ans.

Comment les analystes interprètent-ils ce phénomène? 

  • Une exposition excessive à la pornographie, et une importance donnée à l'apparence, la performance et la taille du sexe ;

  • Normalisation des corps parfaits à travers la culture populaire, la chirurgie esthétique et la publicité ;

  • Réduction de la femme à ses attributs sexuels, et disparition des limites entre prostitution, pornographie, fantasmes, et sexualité vécue ;

  • Fantasme du prince charmant véhiculé dans la culture populaire.

Cette sexualité plus tardive indique notamment une certaine angoisse de ne pas être conforme aux normes hypersexuelles de notre époque, dénotant une peur de l'intimité. 

Au-delà de la virginité, ce sont les normes autour de la sexualité qui pèsent sur les individus.

En Occident, la surexposition des jeunes au sexe résultent en deux tendances: une pression vers des comportements sexuels précoces, mais aussi une peur grandissante de l'intimité. Comment redéfinir l'intimité dans une société où tout est déjà exposé? Le sexe est une commodité, à l'image de notre société de consommation. 

D'un autre côté, que se passe-t-il pour celles qui assument une sexualité plus libre? Le slut-shaming et le cyberbullying sont monnaie courante. Tantôt trop coincée, tantôt trop libérée, la femme est, quoi qu'elle fasse, encore prisonnière de l'étiquette de la vierge ou de la putain. 

Le blâme en revient au poids des normes sur les individus, la pression du regard des autres, qui marquent le fondement de la discrimation envers les femmes.

En quelques mots? Évitons de trop juger les autres, et comme le dit l'adage, à chacun de poursuivre son petit bonhomme de chemin ♥︎


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