Gérer le stress en couple en période de confinement
UN MOT DE L’ÉQUIPE:
Au 47e jour, nous avons pris du retard dans nos publications, veuillez nous en excuser. Nous reprenons le rythme aujourd’hui avec une interview de Sophie Greene, à qui nous avions déjà parlé sur des sujets tels que les problèmes financiers en confinement, et l’impact sur les thérapies de couple (où Sophie partageait de nombreuses ressources pour tout de même faire un travail à la maison si les sessions n’étaient plus possibles), ainsi que sur les désirs décalés dans le couple en période de confinement.
Aujourd’hui nous adressons avec elle différentes manières de gérer le stress à la maison quand on est confiné les-uns-sur-les-autres.
GCC: Qu’est-ce qui peut ajouter au stress dans un couple en cette période de confinement?
SG: En ce qui concerne les couples, le stress peut bien sûr être présent en ce moment. Certains de mes patients me l'expliquent par mail: une crise conjugale qui était déjà présente avant le confinement y est renforcée. Pour quelles raisons? De manière assez évidente, les membres du couple se retrouvent l'un sur l'autre, l'un à côté de l'autre, en tout cas l'un trop près de l'autre. C'est ce «trop près» qui pose problème. Le couple comme toute entité de groupe (famille, fratrie, voisinage, équipe de travail, etc) a besoin de proximité et de distance. Une «juste distance» qui permet de ne pas se sentir envahi.
Prendre de la distance physique incite au retour à soi, à la bulle protectrice personnelle et au calme. Lorsque je m'éloigne de mon/ma partenaire, je prends ce temps pour moi, je me retrouve, me ressource, m'«énergise» en quelque sorte.
Si des conflits ont eu lieu récemment ou si notre couple subit une période de tension, je peux profiter de ce temps seul(e) pour y réfléchir, prendre du recul, analyser sans être sous le coup de l'émotion.
Mais lorsque je me retrouve confiné avec mon / ma partenaire, cette distance physique est amoindrie. Je peux bien sûr changer de pièce, vaquer à mes occupations personnelles ou à celles de la famille (tâches domestiques, éducation des enfants etc.).
Mais cela ne semble pas suffisant pour véritablement instaurer la distance qui me serait nécessaire pour apaiser les tensions. L'autre peut plus facilement revenir à la charge sur les sujets qui fâchent. Et je peux difficilement m'isoler en m'enfermant à double tour dans une pièce!
Sans compter tous ces couples ou familles qui vivent dans une certaine précarité et qui ont un espace très réduit...
GCC: De quelles façons les couples réagissent-ils à ces stress?
SG: Dans le couple, il y a mille façons de réagir au stress lié à cette proximité physique quelque peu envahissante. Stress également lié à bizarrerie de la situation, à la perte des repères et des habitudes conjugales et pratiques, à la crainte pour soi-même d'attraper le virus ou crainte pour ses proches, à la situation économique qui se détériore pour beaucoup, à l'avenir incertain.
Quand l'épidémie prendra-t-elle fin? La situation économique globale sera-t-elle bouleversée au point que ma situation personnelle en pâtisse?
Autant de questions qui tournent et apporte un stress pouvant être très léger à très important selon la personnalité et la situation de l'individu.
Comme il est rare d'avoir le même caractère dans un couple, il y en aura probablement un qui va être plus stressé que l'autre par ces différents facteurs...
Selon sa personnalité, il exprimera explicitement ou plus implicitement ce stress.
Cela signifie que les deux membres du couples ont une dose de stress, communiquent plus ou moins ce stress au partenaire et que le partenaire doit gérer son propre stress et sa réaction face à celui de l'autre.
GCC: D’accord, maintenant, qu’est-ce qu’on fait?
SG: Je pense qu'il est important que chacun récupère ce qui lui appartient en terme d'émotions.
“Je suis stressé(e) et cette réaction est la mienne. Le stress de mon/ma partenaire ne m'appartient pas, sa réaction face aux événements est la sienne.”
Plus facile à dire qu'à faire, certes! Car si je perçois le stress de l'autre, j'ai tendance à y réagir!
Certain(e)s tentent de rassurer le conjoint ou essayent de le raisonner, d'autres vont être agacé(e)s ou clairement en colère contre une réaction de stress qu'ils jugent inappropriée de la part du partenaire.
D'autres encore vont rester comme figé(e)s face au stress du partenaire. Ils ne savent que faire, comment y réagir et se sentent contaminés par ce stress, qui peut venir augmenter le leur.
Ils peuvent ainsi s'enfermer dans le silence, faire comme si de rien n'était, ce qui peut avoir tendance à maintenir ou faire grandir la réaction de stress du conjoint.
Quelques-uns utilisent aussi l'humour (il n'y a qu'à voir fleurir sur les réseaux sociaux les vidéos cocasses en mode confiné!!) et désamorcent ainsi les conflits qui pourraient être exacerbés par le contexte et/ou personnalité du partenaire.
Bref, on le comprend bien, il y a probablement autant de réactions face au stress que de personnes! Comme il est plus agréable de passer ce confinement dans la douceur, la patience, la compréhension et la tolérance, quelques petits «trucs» peuvent aider!
1 - Tous les adeptes de la communication non violente seront déjà convaincus: si je récupère ce qui m'appartient en terme d'émotions, je n'envahis plus (moins) l'autre avec.
Cela signifie tout d'abord que je parle à mon / ma partenaire en «je» et pas en «tu» pour exprimer mes demandes ou mes pensées.
Je n'accuse pas et j'essaye si possible d'attendre le moment le plus adapté pour mettre sur le tapis les sujets qui fâchent. On évite ici les lieux «sacrés» que sont la salle à manger (pendant le repas) et la chambre à coucher qui doivent rester des endroits associés au bien-être et aux échanges agréables (partager un repas, s'endormir ensemble, faire l'amour,etc)!
2 - Poser certaines règles exceptionnelles (celles-ci sont discutées à deux, durant un temps calme et apaisé et chacun doit y trouver son compte, elles peuvent être écrites et seront dès lors placées en évidence pour que l'un et l'autre puissent y revenir) liées au confinement. Par exemple:
Lorsque je perçois que tu me communiques un stress que je n'arrive pas à gérer, je prends le droit de m'éloigner un peu (changer de pièce, ouvrir la fenêtre, trouver une occupation qui va me couper de cette ambiance pesante et ingérable pour moi à ce moment précis par exemple) et tu valides le fait que je prends ce droit.
Nous nous accordons l'un et l'autre des temps seul(e) dans la journée qui vont permettre de la rythmer et de créer cette juste distance déjà évoquée.
3 - Nous prenons soin de notre couple en nous aménageant des «temps couples»:
Temps de parole sur des sujets qui nous font du bien : projets à court, moyen et long terme par exemple, souvenirs heureux;
Temps de partage de tâches qui nous font tous les deux plaisir comme la cuisine, le jardinage, le visionnage d'un film;
Temps d'intimité et de sexualité que l'on prend soin de préparer s'ils ne sont pas spontanés : ambiance, musique, éclairage, senteurs, température pour un délicieux massage par exemple. Et l'on sait que les massages sont un merveilleux prémisse à la sexualité ! Douche à deux pendant laquelle chacun savonne l'autre ou bain relaxant et apaisant…
Temps de jeu! Eh oui, pourquoi ne pas se remettre aux jeux? Quiz de couples, jeux de société, jeux de cartes, bref du ludique et du fun que l'on délaisse souvent en pensant qu'une fois adulte, cela n'est plus pour nous!
4 – Utiliser ce confinement pour travailler une règle d'or: on ne peut pas changer l'autre! La seule personne sur qui nous avons un pouvoir est nous-mêmes!
Que pouvons-nous donc faire pour améliorer cette période de confinement sans attendre que les améliorations viennent de l'autre ? Qu'est-ce que je peux modifier / faire évoluer / transformer / apporter à ma relation de couple?
Je suis l'acteur/actrice de mon changement et du changement que je souhaite voir advenir dans mon couple. Cela signifie tolérance et patience vis-à-vis du stress de l'autre...
Respirer un bon coup, s'éloigner (on l'a vu), remettre à plus tard (quand on sera disponible et calme) les questions qui fâchent. Cela peut soutenir la tolérance et la patience. N'oublions pas: l'autre vit ses émotions, il/elle a probablement peur ou peut-être est-il/elle triste ou en colère contre la situation.
5 – Utiliser ce confinement pour travailler une règle d'argent (ou d'or!): communiquer c'est-à-dire mettre en commun et s'intéresser à l'autre.
Ici cela va passer par des questions (non agressives et qui n'exigent pas de réponses mais qui montrent le sincère intérêt que l'on a pour l'autre et ses ressentis) pour l'autre sur ce qu'il vit, comment il ressent les choses et comment il perçoit la situation.
S'intéresser à l'autre, c'est lui montrer qu'on l'aime et cela permet de désamorcer la tension qui pourrait monter. L'autre a en effet la possibilité de dire, de raconter et ce, même si la réponse est courte!
C'est ok comme ça, pas besoin d'aller tirer les vers du nez, juste de montrer que l'on est aussi là pour accueillir la parole, ou le silence, du partenaire sans jugement et avec intérêt.
Merci encore une fois Sophie pour tes bonnes sagesses. On le comprend bien, malgré le confinement, et on ne le dira jamais assez, soyez patients et faites preuve d’empathie. La distance et le silence sont des éléments tout aussi nécessaires que la proximité et la communication. À la semaine prochaine pour plus de topics sur le couple et le confinement. ♥
À travers les âges, la sexualité est restée plus ou moins associée au fruit défendu, chargée de tabou et d'émotions négatives, rendant l'expression unique de notre sexualité indicible.